L'Union européenne est sur le point de se hisser au rang des plus grands émetteurs supranationaux du monde après s'être mis d'accord sur un fonds de relance financé par la dette commune, une initiative qui pourrait bien secouer les marchés de la dette en euros.

Les dirigeants européens ont conclu un accord sur un fonds de 750 milliards d'euros (858 milliards de dollars) destiné à réparer les dommages causés par la COVID-19 ; avec son budget sur sept ans, ce fonds permet de débloquer un total de 1,8 milliard d'euros de dépenses supplémentaires.

Jusqu'à présent, l'Union européenne, en tant qu'institution, n'a contribué qu'à une fraction du marché des obligations d'État, qui représente environ 8 500 milliards d'euros. Mais l'argent qu'elle s'apprête à lever pourrait faire passer son niveau d'endettement au-dessus de celui d'États membres tels que les Pays-Bas.

"Pour la première fois, l'Union européenne sera une force majeure sur les marchés de la dette souveraine", a déclaré Holger Schmieding, économiste en chef de Berenberg.

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L'UE a actuellement un encours de dette d'environ 54 milliards d'euros, n'ayant rien emprunté l'année dernière et seulement 5 milliards d'euros en 2018.

Mais si la totalité des 750 milliards d'euros est levée sur les marchés obligataires, les émissions pourraient s'élever à 262,5 milliards d'euros l'année prochaine et en 2022, les 225 milliards d'euros restants venant en 2023, estime Antoine Bouvet, stratégiste senior des taux chez ING.

En comparaison, les émissions annuelles brutes de la Banque européenne d'investissement, de l'UE, du Fonds européen de stabilité financière et du Mécanisme européen de stabilité s'élevaient en moyenne à 67 milliards d'euros par an entre 2015 et 2019.

L'encours de la dette de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement s'élève à environ 201 milliards de dollars.

L'UE empruntera également près de 100 milliards d'euros à partir de septembre pour financer son programme SURE de lutte contre le chômage.

Mais cette émission ne réduira pas encore de manière significative l'offre d'obligations de la part d'États très endettés comme l'Italie, étant donné qu'elle sera étalée sur quelques années.

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Le financement du fonds par des obligations européennes communes constitue un grand pas vers la mutualisation de la dette des États membres.

"De tels passifs communs pour l'Union européenne sont d'une taille sans précédent", a déclaré Sébastien Galy, macrostratège senior chez Nordea Asset Management.

Elle permettra également de remédier à l'un des inconvénients de l'euro pour les gestionnaires de réserves : l'absence d'un grand pool d'actifs "sûrs", comparable aux obligations du Trésor américain - un marché noté triple A d'une valeur de plus de 17 000 milliards de dollars.

Les marchés obligataires allemand, français et italien réunis font moins de la moitié de cette taille, et seule l'Allemagne est notée AAA.

L'UE, en revanche, est notée AAA par Moody's, Fitch, DBRS et Scope. S&P Global lui attribue la note AA. Les agences suggèrent que l'augmentation imminente de la dette n'est pas encore une menace pour les notations.

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La Commission européenne prévoyant de consacrer 30 % du fonds aux projets climatiques, un tiers du fonds de relance pourrait être financé par des obligations vertes, prévoit S&P Global. Cela permettrait d'augmenter la taille du marché mondial des obligations vertes de 89 %.

Les obligations vertes ne représentent actuellement que 3,7 % des émissions mondiales.

"À l'heure où les marchés recherchent des emprunteurs sûrs, cela devrait servir d'exemple à d'autres institutions supranationales (comme la Banque mondiale) pour financer des investissements indispensables, en particulier pour lutter contre le réchauffement climatique", a déclaré Florence Pisani, responsable mondiale de la recherche économique chez Candriam.

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La Banque centrale européenne aura également l'occasion d'accélérer l'achat de dettes supranationales pour son programme de relance.

Les premiers mois du programme d'achat d'obligations d'urgence de la BCE, lancé en mars, ont vu celle-ci acheter une part de supra dette plus faible que d'habitude, a noté BNP Paribas, mais la banque s'attend à ce que l'offre de supra nouvelle atteigne 96 milliards d'euros dans les mois à venir.

Elle s'attend à ce que la part des achats de PEPP d'obligations publiques allouée à la dette supranationale puisse atteindre au moins 10 % au cours du second semestre 2020, contre 7,5 % actuellement.